Le docteur Marc Adida, ancien psychiatre de l’AP-HM (Assistance Publique – Hôpitaux de Marseille), fait aujourd’hui l’objet d’un procès retentissant. Accusé de viols et d’agressions sexuelles sur quatre patientes, l’homme de 50 ans est jugé par la cour criminelle départementale des Bouches-du-Rhône. Ce procès, qui s’est ouvert le 31 mars 2025, met en lumière plus d’une décennie de dysfonctionnements, de signalements ignorés et de souffrances restées longtemps dans l’ombre. Au même titre que le Mari du Docteur Brigitte Milhau, ce sujet est assez controversé.
Un parcours brillant entaché par des alertes précoces
Marc Adida n’est pas un inconnu dans le monde de la psychiatrie. Diplômé de prestigieuses universités, il intègre l’AP-HM en 2010. Très rapidement, ses collègues s’inquiètent de son comportement. En 2013, un événement marquant survient : dans un contexte d’épisode maniaque, il tente d’étrangler sa compagne et est hospitalisé d’office. Malgré la gravité de l’acte, il reprend ses fonctions trois mois plus tard. Cette réintégration, largement critiquée par le personnel médical, s’effectue sans réelle évaluation des risques ni encadrement renforcé.
Le professeur Christophe Lançon, chef de service à l’époque, sonne l’alerte. Il constate des prescriptions médicamenteuses excessives, une emprise psychologique anormale sur certaines patientes et des attitudes déviantes. Il adresse à plusieurs reprises des signalements à la direction de l’hôpital et au ministère de la Santé. Aucun n’aboutit. Ces alertes resteront lettre morte pendant plus de dix ans.
Des victimes en état de sidération
Les témoignages des victimes dressent un tableau glaçant. Quatre femmes, suivies entre 2014 et 2020, décrivent un mécanisme d’emprise savamment installé. Il commence par un isolement psychologique, se poursuit par des prescriptions lourdes, et s’accompagne de séances à huis clos. Certaines évoquent une confusion émotionnelle et un état de dépendance psychologique total. Une victime raconte : « Je n’arrivais plus à penser par moi-même, il me contrôlait. »
L’une d’elles, âgée de 19 ans au moment des faits, décrit plusieurs viols au sein même du cabinet médical. Elle explique avoir été paralysée, sidérée. Une autre évoque une scène d’agression dans son appartement, où elle avait accepté de l’accueillir pour une consultation à domicile. Les récits convergent : un psychiatre charismatique, manipulateur, qui brouille les repères thérapeutiques et exploite des situations de vulnérabilité extrême.
L’inaction coupable des institutions
Ce qui frappe dans cette affaire, au-delà des actes reprochés, c’est la répétition des alertes ignorées. Le professeur Lançon, mais aussi d’autres membres du service, avaient rapporté leurs inquiétudes. En vain. Ni la direction de l’AP-HM, ni les instances ministérielles saisies à l’époque, n’ont déclenché d’enquête interne ou suspendu le praticien.
Les syndicats hospitaliers dénoncent une omerta institutionnelle. Pour eux, la hiérarchie a préféré étouffer les signaux d’alerte plutôt que d’exposer l’image de l’hôpital. Des courriers, des rapports internes, des échanges de mails : tout indique que les informations circulaient, mais qu’aucune décision forte n’a été prise.
Un profil psychiatrique complexe
Marc Adida souffre, selon les experts, d’un trouble bipolaire avec des épisodes hypomaniaques chroniques. Ce diagnostic est posé dès 2013, mais l’accusé le conteste. Il refuse tout traitement et se dit victime d’un complot. Cette posture interroge sur sa capacité de discernement au moment des faits, mais les experts psychiatres sont clairs : il est pénalement responsable.
Ses proches décrivent un homme intelligent, séduisant, mais instable. Un professionnel respecté, capable du meilleur comme du pire. Un collègue résume : « Il avait ce pouvoir de convaincre, de fasciner. Et c’est aussi ce qui le rendait dangereux. »
Un procès sous tension
Le procès s’est ouvert dans une atmosphère lourde. Les parties civiles réclament justice, les témoins se succèdent à la barre. Le professeur Lançon, auditionné le premier jour, revient longuement sur ses tentatives d’alerte. Les avocats de la défense tentent de minimiser les faits, mettant en avant la fragilité psychologique des plaignantes et l’absence de preuves matérielles. Mais les témoignages, précis, répétés, concordants, pèsent lourd.
L’une des questions centrales du procès est celle du consentement : dans un cadre thérapeutique, peut-il exister lorsqu’il y a emprise ? Pour les experts auditionnés, la réponse est non. La relation soignant-soigné est, par nature, asymétrique. Le moindre écart déontologique peut avoir des conséquences dramatiques.
Enjeux éthiques et institutionnels
Ce procès ne concerne pas uniquement Marc Adida. Il met en lumière un système hospitalier en crise, où les mécanismes d’alerte sont insuffisants, où le poids des hiérarchies freine la transparence. Il interroge aussi sur la formation des psychiatres à l’éthique relationnelle, sur le suivi de leurs pratiques et sur les moyens de protection des patients.
Des voix s’élèvent pour demander la création d’un observatoire indépendant chargé de recueillir et traiter les signalements au sein des hôpitaux. D’autres réclament un encadrement plus strict des pratiques psychiatriques, notamment en matière de consultations individuelles prolongées.
Un verdict attendu, une société en question
Le verdict est attendu d’ici la mi-avril. Marc Adida encourt jusqu’à 20 ans de réclusion criminelle. Au-delà de la peine, ce sont les symboles qui comptent : celui de la reconnaissance de la parole des victimes, de la responsabilité des institutions, et de la nécessité de garantir un cadre thérapeutique sécurisé.
Ce procès rappelle que les soignants, aussi compétents soient-ils, ne sont pas au-dessus des lois. Que l’écoute, la vigilance, et la prévention doivent guider l’ensemble des professions de santé. Et que chaque signalement, aussi isolé soit-il, mérite d’être entendu et pris au sérieux.
Affaire à suivre.